Explication de la fréquence des séances d’acupuncture,
- Dominique Jourdain

- 4 mai
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 sept.
Croisement des données scientifiques contemporaines et les enseignements des classiques chinois

1. La fréquence des séances d’acupuncture dans la pratique contemporaine
La fréquence des séances est aujourd’hui généralement établie en fonction de plusieurs critères cliniques :
a) Données issues des études scientifiques
Des recherches cliniques bien menées ont exploré l’efficacité de l’acupuncture en fonction de la fréquence des séances :
Douleurs chroniques : des méta-analyses (Vickers et al., 2018 ; Zhao et al., 2021) montrent qu’une fréquence de 1 à 2 séances par semaine pendant 6 à 8 semaines est optimale pour soulager des douleurs lombaires, cervicales, migraines ou arthroses.
Pathologies aiguës : des études suggèrent que 2 à 3 séances par semaine, voire quotidiennes (en médecine hospitalière chinoise), permettent un contrôle rapide de symptômes comme les sciatiques, névralgies, ou états inflammatoires.
Anxiété, insomnie, fertilité : des essais cliniques (MacPherson et al., 2013) indiquent qu'une fréquence bihebdomadaire favorise la régulation neurovégétative et hormonale.
Constat scientifique : La régularité et la cumulativité des effets sont déterminantes. Les effets de l’acupuncture sont souvent progressifs et liés à une stimulation répétée du système nerveux autonome, à la modulation des médiateurs inflammatoires, et à la plasticité cérébrale.
2. Les enseignements des classiques : rythme, saisonnalité et dynamique du Qi
Les textes fondamentaux de la médecine chinoise proposent une vision temporelle et qualitative de la fréquence des soins.
a) Huangdi Nei Jing Su Wen :
Le chapitre 1 établit que la régularité des soins est essentielle pour vivre en accord avec les rythmes naturels .
Le chapitre 4 stipule que « le traitement s’effectue selon la saison, l’âge, la force du Qi et le type de pathologie ». Ainsi, la fréquence est adaptée au moment, au terrain, à la qualité du Qi.
Le chapitre 13 évoque la répétition des punctures pour favoriser l’ancrage du traitement : « Lorsqu’une maladie résiste, la méthode consiste à renforcer la stimulation du Qi par la répétition de l’aiguille. »
b) Ling Shu
Le chapitre 8 introduit le concept de rythme de puncture selon la dynamique du Qi :« Si le Qi est rapide, on calme ; s’il est lent, on stimule ; s’il est désordonné, on le régule. »
Cela implique une fréquence variable et dialectique, selon que l’on cherche à disperser, tonifier ou harmoniser.
c) Nan Jing (Classique des difficultés)
La difficulté 68 insiste sur l’art de “suivre le Qi”, soulignant que l’efficacité dépend de la justesse du moment, plutôt que de la simple répétition mécanique.
Le Nan Jing oppose la pression externe (fréquence, intensité) à la résonance interne (harmonie avec le Qi du patient), plaçant l’individualisation du rythme au cœur du traitement.
3. Approche dialectique : dialogue entre tradition et modernité
a) Convergences
Personnalisation : Tradition et science insistent sur l’adaptation du traitement à l’état du patient. Ce que le Ling Shu appelle xu/shi (vide/plénitude), la médecine moderne l’analyse via des marqueurs biologiques ou des critères cliniques.
Répétition structurée : Les deux approches reconnaissent l’importance d’une stimulation répétée, soit pour "faire circuler le Qi", soit pour renforcer la modulation neurochimique.
Cycle d’ajustement : Les praticiens modernes évaluent la réponse après 2 à 4 séances, une pratique déjà suggérée dans le Nei Jing : « Lorsque le Qi répond, on suspend ; s’il n’y a pas de réponse, on ajuste la méthode. »
b) Divergences
Tradition MTC | Science contemporaine |
Le traitement suit les rythmes saisonniers, circadiens, émotionnels | Le traitement suit un protocole standardisé (ex. : 2x/sem. pendant 6 sem.) |
La fréquence dépend du flux du Qi, de la relation Ciel-Homme | Elle dépend de l’évolution symptomatique et des données statistiques |
Importance du ressenti subtil (deqi, Shen) pour ajuster le rythme | Importance des données objectives et reproductibles |
c) Complémentarités
Une pratique éclairée peut allier l’objectivité scientifique (nombre de séances, suivi clinique) à la subtilité énergétique de la tradition (moment propice, qualité du Qi, climat interne).
Par exemple, en cas de syndrome Bi (blocage douloureux), on peut suivre un protocole scientifique (2x/semaine) tout en respectant la notion de facteurs climatiques internes (froid-humidité) évoqués dans le Su Wen, ce qui affine le choix du moment et du point.
Conclusion
La fréquence des séances d’acupuncture ne peut être pensée uniquement en termes quantitatifs.Les classiques nous enseignent une vision qualitative, cyclique et adaptative du traitement, centrée sur le mouvement du Qi et l’unité entre l’humain et son environnement. La médecine contemporaine, quant à elle, apporte des données précises sur l’efficacité statistique de certaines fréquences, utiles pour guider les soins dans un cadre clinique moderne.
Synthèse dialectique : Une pratique optimale de l’acupuncture s’appuie sur la structure offerte par la science moderne et la profondeur dynamique des textes anciens. Ainsi, le rythme du traitement devient un art du temps, au service de la régulation du vivant.







Commentaires