L’endométriose à la lumière de la médecine chinoise classique et scientifique

Une lecture croisée du Si Sheng Xin Yuan – Le Classique des Quatre Sages

Qu’est-ce que l’endométriose ?

L’endométriose est une affection gynécologique complexe dans laquelle du tissu semblable à l’endomètre — la muqueuse utérine — se développe en dehors de la cavité utérine. Ce tissu peut impliquer les ovaires, les trompes, la vessie, les intestins, provoquant douleurs pelviennes, troubles menstruels, infertilité, fatigue chronique et parfois des troubles digestifs.

D’un point de vue scientifique, elle est désormais considérée comme une pathologie inflammatoire chronique avec composante hormonale, immunitaire et même neurologique.

Une autre lecture du corps féminin : la vision de la médecine chinoise

La médecine chinoise, forte de plus de deux millénaires d’observation clinique, propose une vision systémique du corps et de la santé, articulée autour des méridiens, des mouvements du Qi (énergie) et du Sang, des cycles naturels et des dynamiques organiques.

L’endométriose, bien que non nommée telle quelle dans les textes anciens, correspond à une combinaison de plusieurs tableaux décrits dans les classiques : douleurs menstruelles (tong jing ), masses abdominales (zheng jia ), et écoulements anormaux (beng lou ).

Le Si Shen Xin Yuan : une sagesse clinique précieuse

Le Si Sheng Xin Yuan , ou Classique des Quatre Sages, est une œuvre médicale du 13e siècle qui synthétise les grandes traditions médicales antérieures, tout en proposant des grilles de lecture claires et argumentées. Il insiste particulièrement sur la physiologie du Sang, du Foie et du système menstruel féminin.

"Le Sang, quand il est libre, nourrit le corps ; quand il est retenu, il devient source de douleur."— Si Sheng Xin Yuan, vol. II, chapitre sur les désordres du Sang

Cette citation résume l’approche chinoise de l’endométriose : une stagnation de Sang, souvent liée à des perturbations du Foie, de la Rate et des Reins, qui engendre des douleurs cycliques et la formation de masses.

Les causes profondes selon la médecine chinoise

L’endométriose peut résulter de plusieurs déséquilibres combinés :

1. Stagnation de Qi et de Sang

Les émotions refoulées, en particulier la colère, entravent la libre circulation du Qi du Foie. Or, le Qi gouverne le Sang. Sa stagnation engendre des douleurs et peut conduire à la formation de nodules.

"Lorsque le Foie est contraint, le Sang ne peut circuler. Quand la Rate est faible, l’Humidité s’agglutine. Quand les Reins sont vides, le Chong et le Ren se dessèchent."— Si Sheng Xin Yuan, vol. III

2. Froid et Humidité dans l’utérus (Gong Han )

Le Froid, souvent d’origine externe (exposition, alimentation), bloque la circulation du Sang dans l’utérus et provoque douleurs et infertilité.

3. Vide des Reins et dysfonctionnement des méridiens extraordinaires

Le système des méridiens extraordinaires, en particulier le Chong Mai (mer du Sang) et le Ren Mai (mer du Yin), est central pour la santé gynécologique.

"Le Chong Mai, Mer du Sang, gouverne le cycle féminin. Son trouble ouvre la voie aux masses et douleurs profondes."— Si Sheng Xin Yuan, vol. I

Traitement : rétablir la circulation, nourrir la racine

Le traitement repose sur une stratégie en couches :

• Faire circuler le Qi et le Sang pour disperser les stagnations (acupuncture sur Taichong, Geshu, Xuehai…)

• Réchauffer l’utérus et chasser le Froid (moxibustion, plantes comme Ai Ye )

• Tonifier les Reins et soutenir le Chong Mai 

• Réguler le cycle menstruel pour restaurer l’équilibre

La pharmacopée chinoise dispose également de formules puissantes pour traiter ces déséquilibres : Shao fu Zhuyu Tang (décoction pour les douleurs utérines par stase de Sang et Froid) ou Wen jing Tang (décoction pour réchauffer les méridiens et calmer les douleurs cycliques).

Et du côté de la science ?

Les études modernes confirment certains principes de la médecine chinoise.

Par exemple :

• La stagnation de Sang fait écho aux troubles circulatoires pelviens observés par IRM.

• L’effet anti-inflammatoire de certaines formules classiques a été validé in vitro.

• L’acupuncture régule le système nerveux autonome, réduit la douleur et module les niveaux d’œstrogènes.

"Ce qui n’est pas vu par les yeux peut être perçu par l’Ordre du Ciel ; ce qui n’est pas compris par la forme peut être harmonisé par les méridiens."— Si Sheng Xin Yuan, préface

Conclusion : un dialogue fécond entre deux médecines

L’endométriose, maladie complexe et souvent mal comprise, gagne à être approchée sous plusieurs angles. La médecine chinoise ne remplace pas la médecine occidentale, mais elle l’enrichit par une lecture systémique, humaniste et subtile du corps féminin.

Le Si Sheng Xin Yuan, bien qu’écrit il y a des siècles, nous rappelle que les douleurs chroniques sont souvent les cris d’un déséquilibre profond — qu’il est possible d’écouter, comprendre et traiter avec douceur et précision.